Un des traits caractéristiques des profs, c'est sans doute leur propension à se plaindre. Des élèves, de la dégradation des conditions de travail, de la hiérarchie, du manque de moyens, des emplois du temps, etc etc. Mais par delà ces lamentations, il y a au fond je crois un constant sentiment d'insatisfaction. Prof est un métier profondément ingrat : notre mission est la plus noble, la plus grande et la plus lourde qui soit, et chacun de nous en a conscience, avec comme corollaire inévitable la conscience de notre impuissance et de nos imperfections.
Instruire, éduquer, élever, faire apprendre, comprendre, choisir ; être une autorité, un modèle, un repère, un juge, un soutien... Que de taches à accomplir en si peu de temps et à tant d'élèves différents à la fois, avec juste notre savoir, notre envie, notre personnalité, notre humeur ! Tous les profs sont des gens complexés et humbles au fond, et la limite avec la dépression est de ce fait très fragile. On a tous la peur au ventre avant d'entrer en cours, à des degrés divers selon l'année, avec une conscience plus ou moins aiguë selon les circonstances, représentant évidemment un handicap dans des cas particuliers, mais elle ne nous quitte jamais, car on ne sait jamais tout à fait ce qui nous attend. Et la préparation des cours, la connaissances des élèves, les années d'expérience, ne la font jamais disparaître totalement.
Mais pour peu que l'on sache gérer cette distance entre s'investir et se préserver, la clef de voûte du bon enseignant, il y a beaucoup de satisfactions. Pour ma part, j'ai la chance de travailler avec des collègues dans un climat extrêmement agréable : mûs par une façon assez proche de voir les élèves, de souhaiter leur réussite, de les comprendre, le travail d'équipe est un plaisir et un moteur. Ensuite, le contact avec les élèves est la source la plus fréquente mais aussi la plus aléatoire, du bonheur dêtre enseignant. Toute la vie du prof dépend de ce lien qui se fait avec son public : bon, mauvais, ténu, tendu, chaleureux, tout est possible et rien n'est jamais pareil avec deux classes ni avec deux élèves. Tous les profs que je connais aiment, d'une manière ou d'une autre, leurs élèves, parce qu'ils souhaitent profondément leur réussite : c'est le piège et la source. On ne peut pas ne pas être touché, impliqué, investi, même si c'est dur souvent, de subir leur indifférence, leur échec, leur paresse, et je ne parle même pas de leurs problèmes personnels qui entrent en jeu bien souvent. Nous représentons l'autorité, la contrainte, l'ordre, le devoir. Se plaindre, c'est fréquemment essayer de mettre à distance ce lien humain dont on ne peut faire l'économie mais qui ne doit pas nous envahir. Nous sommes avant tout des enseignants, mais les élèves ne sont pas que des écoutants ou des exécutants !! Ce serait trop simple !
Alors oui, je crois que j'aime mon métier même si je m'en plains beaucoup. S'en plaindre, c'est peut-être le gage de notre volonté de le faire bien et de notre humilité devant l'immensité de la tache et des résultats que notre fonction obtient en réalité.
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